Histoire de Blodelsheim
Les combats de la Libération en 1944 et 1945 à travers cartes et témoignages
Documents d'archives de la 1ère Armée française qui libéra les villages de la Hardt au Rhin.
Ce secteur fit partie de la fameuse ""Poche de Colmar".
En 1947 une carte historique Michelin fut réimprimée qui résume les batailles d'Alsace pour la Libération de novembre 1944 et mars 1945.
Détail de carte d'État-Major de janvier 1945. Les deux flèches vertes désignent par où les libérateurs entrèrent au village sachant que les rues furent barricadées (traits rouges) par les allemands avant leur fuite en-deçà du Rhin.
Témoignage de René Brun.
Histoire vécue par Emile DECKER de Blodelsheim âgé de 18 ans à l’époque.
L’hiver avant la libération jusqu’au 8 février 1945
Un aperçu de l’hiver de 1944 à 1945, avant le 8 février, jour de libération que Blodelsheim à vécu, voir la libération et la fin de l’occupation par l’Allemagne de la 2ème guerre mondiale 1939 à 1945.
Cette date frôle l’oublie et risque de se perdre dans la nuit des temps. Egalement la génération qui a vécu cette époque dramatique se raréfie pour faire place aux nouvelles qui vivent dans le calme, surtout en paix, la prospérité et l’oubli…. ! et la chance que nos anciennes générations ne connaissaient pas
Rappelons les faits précédant ce dit 8 février tel que la population locale l’a vécu.
Depuis le 20 novembre 1944 que les armées alliées occupèrent une grande partie de l’Alsace et qui sont engagées dans de durs combats contre les troupes allemandes.
Blodelsheim comme une grande partie du Haut Rhin se situait dans la dite << Poche de Colmar >> où les armées allemandes résistaient avant d’être bousculer hors du territoire. L’armée française avait avancée et libérée Mulhouse et la partie Sud du département, du coté Bas Rhin l’armée américaine avec des détachements français ont occupées Strasbourg et sont avancées jusque vers la ligne Sigolsheim au Nord de Colmar.
Pendant deux mois et demi, Blodelsheim avec une grande partie du Haut Rhin restait sous la pression de l’armée allemande dans tous les domaines.
Autour du 21 novembre, l’armée allemande fait sautée le dépôt de munitions préalablement installé dans des bâtiments construit par l’armée française avant 1939 situés dans la forêt de la Harth route d’Ensisheim appelé dans le langage du terroir « S’Pulverhislé ».
Par la suite de nombreux détachements militaires de la « Wehrmacht » ont pris positions autour du village des canons anti-aériens sont mis en batterie en vue d’une attaque surprise. En plus, de nombreux troupiers et détachements militaires s’installaient dans le village même et préparaient leurs quartiers d’hivers.
Petit à petit la guerre s’installait vu la proximité du front vers Mulhouse. L’aviation alliée très active à l’affût de toute cible militaire.
Pendant le mois de décembre, de nombreux hommes de la localité, entre 16 et 60 ans sont réquisitionnés par la « Feld-Gendarmerie » ( Police militaire allemande) pour participer à des travaux de fortifications, ou à couper du bois dans la forêt pour construction d’abris, surtout pour équiper une place forte autour de Bantzenheim – Chalampé, afin de protéger le pont de Chalampé sur le Rhin, point stratégique pour l’armée et pour la future retraite. Lors de la retraite définitive toutes ces constructions s’avéraient inutiles.
Un hôpital de campagne était installé dans le bâtiment de l’école primaire (école des tilleuls) où de nombreux blessés transitaient avant d’être transférés vers des hôpitaux en Allemagne. A la hauteur de Blodelsheim sur le Rhin un bac sous la croix rouge fonctionnait pour les ambulances. Beaucoup de blessés graves ont décédés et ont été enterrés au cimetière St. Blaise derrière l’église.
La voie de chemin de fer, tel qu’elle existe encore aujourd’hui servait à l’acheminement à d’importants matériaux militaires, de nombreux canons, des chars, des munitions, pratiquement un train par nuit. Beaucoup de matériel d’approvisionnement a été stocké dans des dépôts de la mine de potasse qu’on appelle aujourd’hui le « Poney-parc ».
Des hommes valides jeunes et moins jeunes sont également réquisitionnés par force pour participer au déchargement des wagons. ( moi-même j’en faisais parti, on déchargeait du matériel militaire en tout genre et par 20 à 30 cm de neige )
L’hiver en ce mois de janvier 1945 est très rude avec grand froid, 30 à 40 cm de neige était pénible pour tous, là encore des hommes valides sont réquisitionnés d’office pour rendre praticable la route vers le Rhin. Par temps clair, les avions de chasse appelé « Jabo » ( Jagd-Bomber ) chasseurs bombardiers, toujours très actif attaquaient toute cible pendant la journée. Il n’était pas rare de voire des escadrilles de bombardiers, 30 à 40 attaqués et bombardés des cibles autour du pont de Chalampé sur le Rhin. (le grand canal n’existait pas encore)
C’est seulement vers la fin de janvier que la vraie guerre se rapprochait de Blodelsheim, la localité était la cible de l’artillerie française. Les premiers obus de gros calibre dirigés vers les points stratégiques de retraite des troupes allemandes commençaient à inquiéter sérieusement la population locale. D’abord des obus tombaient à l’extérieur, et petit à petit ils tombaient dans la localité et faisaient de nombreux dégâts aux constructions.
Depuis que les combats se rapprochaient, la population avait pris ses dispositions pour aménager les caves en abris pour chercher refuge en cas de nécessité. Les derniers jours de janvier et les premiers jours de février, le village était constamment harcelé par l’artillerie, de nombreux bâtiments furent démolis ou endommagés. Les ripostes de l’armée allemande très vive, afin de protéger leur retraite, le spectacle d’une armée en déroute n’est rien de réjouissant, c’était le sauf qui peut, la débandade….
Pendant tout ce temps, les offices du dimanche sont pratiquement célébrés par le curé KAUSS. L’aviation alliée est tout le temps sur la brèche et à l’affût de cibles bombardait indifféremment dans les journées, ceci se passait le dimanche de St. Blaise (Blasy-Tag) au cours de l’office de ce jour un bombardement important a eu lieu non loin de Blodelsheim, (Chalampé le pont du Rhin) vu les déflagrations importantes, les vitraux ont subits de graves dommages et sont partiellement détruit, alors que l’affolement et la peur de l’assistance était à son comble.
La première victime civile est a déplorée le 5 ou 6 février, un garçon de 16 ans, Charles FORSTER est tué à 7 heure du matin à la sortie de la cave-abri, par un obus qui explose dans la cour de la propriété de Eugène BRUN rue du Canal d’Alsace.
Ces mêmes jours, l’armée allemande en retraite se permettait des ripostes pour protéger leurs arrières gardes, ont installé pour une courte durée deux canons au bout de la rue du moulin et ceci tôt le matin. Ayant fait feu, disparaissaient rapidement et dans l’après midi une escadrille de chasse alliée lâchait des bombes, une qui atteint la propriété de Joseph WITZ –FABY derrière l’église détruisant un bâtiment, et deux autres bombes sont tombées derrière la propriété de Joseph THIERRY dans la rue du Muhlbach.
Les lignes électriques sont détruites par des bombardements qui avaient comme suite que Blodelsheim restait sans électricité de décembre 1944 à décembre 1945.
Le 7 février les dernières arrières gardes de la Wehrmacht traversaient rapidement et souvent à pieds le village pour rejoindre la rive droite du Rhin vers Chalampé, quittèrent le lieu sans combattre. Mais laissaient de nombreuses mines en tout genre derrière eux.
J’ai noté ses souvenirs du vécu seulement en janvier 1990, donc 45 ans après ces évènements. Il se peu que d’autres détails se sont passés que j’ai occulté ou oublié, mais dans les grandes lignes ceci est une image de ces deux mois et demi de l’hiver 1944 à 1945, avant la libération du 8 février.
Je suis né en 1927, j’avais 17 ans en 1944, de nombreux jeunes de mon âge en Alsace ont été incorporé de force par le régime nazi, beaucoup ont souffert et nombreux sont même sont tué comme Charles DEHLINGER de Blodelsheim âgé de même pas 18 ans, un copain de ma classe. J’ai eu une chance inouïe d’avoir échapper à l’incorporation de force, grâce à l’arrivée de l’armée française le 20 novembre 1944 à Mulhouse.
Emile DECKER – Blodelsheim / janvier 1990
Fichier : février 1945
Blodelsheim, 8 février 1945, journée mémorable !
Texte que j’ai rédigé en souvenir pour la cérémonie du 8 février 2011 au monument aux morts de Blodelsheim
Il y a 65 ans de cela que Blodelsheim à vécu un jour mémorable qui fait date dans l’histoire locale pour le futur.
Jour de libération et fin de l’occupation par l’Allemagne nazie suite à la guerre de 1939 à 1945.
Cette date frôle l’oublie et risque de disparaître dans la nuit des temps. Aussi la génération qui a vécue cette époque dramatique se raréfie pour faire place aux nouvelles qui vivent dans le calme, la paix, la prospérité et la sérénité.
Le 7 février 1945 les dernières arrières gardes allemandes traversaient rapidement le village pour rejoindre Chalampé et la rive droite du Rhin, mais quittèrent les lieux sans combattre. Mais ils laissèrent de nombreuses mines en tous genres derrières eux.
Le jour du 8 février il faisait un temps clair et ensoleillé, froid le matin, mais plus de neige, le sol dégelé.
Il ne restait plus de troupes allemandes sur place, seul une dizaine de soldats isolés qui étaient fatigués pour combattre se sont terrés pour se constituer prisonnier à l’armée française.
Se sont des groupes de combat appartenant à la 2ème Division d’Infanterie Marocaine qui avançaient sur Blodelsheim. Une compagnie opérant de la direction de Fessenheim et deux compagnies du 3ème bataillon du 5ème Régiment des Tirailleurs Marocains venant de la direction de Roggenhouse accompagnés de chars du C C 3 font la jonction le matin vers 9h30 au centre de la localité, acclamé avec soulagement par la population qui attendait leur arrivés. Quelle était la surprise en apercevant cette armée moderne, troupes africaines, motorisées, qui sont venu nous libérés. C’était la fête, la joie, l’accueil des libérateurs après 4 ans de domination allemande. C’était des moments inoubliables … ! Indescriptible … ! Pour ceux qui ont vécu cette époque, enfin libéré … !
Mais la joie du jour fut de courte durée. Vers midi de nombreux chars de combats se rassemblaient à la sortie Sud du village en direction de Rumersheim. De nombreux jeunes attirés par ses blindés de l’armée de libération se trouvaient sur la route devant l’actuelle demeure de Henri WERNER.
Subitement l’artillerie allemande riposte, des obus ont atteint ce rassemblement et deux garçons
de 17 ans sont tués, Marcel SAUTER et Robert WINCKLER, plusieurs autres sont blessés, également des militaires furent parmi les victimes. Ce fut un choc douloureux pour tous, suite à cela la population se retira dans les abris. D’autres victimes sont aussi à déplorer ce jour, Albertine DECKER est tuée dans sa propriété et son époux Xavier, est gravement atteint qu’il décède le lendemain.
Dans l’après midi, Blodelsheim était soumis à de violent bombardement et vers 16H30 le Colonel DEWATRE venu au P. C. du 3ème Bat. du 5ème RTM est blessé mortellement par l’explosion d’une mine dans la rue d’Ensisheim non loin de la perception.
Le 8 février n’était pas la fin du cauchemar pour les villageois. Février et Mars le harcèlement par l’artillerie allemande continuait, vu la proximité de la frontière. De ce fait la plupart des familles se sont mis en sécurité dans des villages en retraits de la zone dangereuse. L’armée de libération installe ses quartiers dans les logements abandonnés. C’est seulement en avril 1945 que le calme est revenu suite à l’occupation par l’armée française de la rive droite du Rhin (Grissheim est occupé le 21 avril par l’armée française)
Signalons que Blodelsheim avait 10 victimes civiles à déplorer, sans les 19 Malgré Nous qui laissèrent leurs vies sur les champs de batailles. De nombreux dommages de guerres aux bâtiments provoqués par les tirs d’artillerie sont signalés. Pour retrouver la liberté et la paix, que de victimes pour notre localité !
Souvenirs de Henri Decker, frère d'Émile sur les jours de la Libération et les années 1945 à 1947
Décembre 1944
Henri se souvient de l'un des premiers obus, tirés lors de la bataille de la Libération. Il toucha le ban communal fin décembre 1944 près du calvaire à l'ouest du village, ce fut un obus de 150 (voir photo de la pièce ci-dessous) tiré des hauteurs du Rebberg à Mulhouse par les forces françaises.
2-3 février 1945
La Libération se précisa, mais les soldats allemands furent encore au village ou à proximité.
Avec une Flak placée dans la rue du Moulin, placée au nord de la grange d'Aloïs Sitterlé, maire du village, ils tirèrent sur les avions des Alliés.
La Flak fut déplacée. Des aviateurs Alliés qui durent avoir des informations sur cette pièce d'artillerie allemande prirent cet endroit pour cible, mais la Flak n'y fut plus ! Le clocher fut endommagé ainsi que la grange Witz, derrière l'église.
Un obus frappa aussi la grange de ses parents, rue du Marché... causant des dégâts et fit fuirent les derniers allemands qui s'y trouvèrent !
8 février 1945
Henri fit partie de ces jeunes garçons qui allèrent dans la rue Principale voirent l'arrivée des Libérateurs.
Des allemands encore embusqués dans le canton de la "Lànglàch" près du Rhin, entre Rumersheim et Blodelsheim, tirèrent en direction de cette rue. Marcel Sauter et Robert Winckler, âgés de 17 ans, furent fauchés par ces tirs soudains, il furent emmenés dans la cave de la maison Werner, mais les deux garçons agonisants, rendirent l'âme, Henri Decker à côté et les personnes présentes, sous le choc !
Charles Forster, jeune garçon de 16 ans, fut tué dans la rue du Rhin, "bis Helmis" soit dans la propriété d'Eugène Brun, des tirs français venus de l’ouest de la Hardt frappèrent le village. Le pauvre garçon eut la tête tranchée, les autres personnes près de lui eurent beaucoup de chances, le jeune garçon, non !
28 mai 1945
Le petit Lucien Witz, 7ans, fut mortellement blessé au ventre lors de jets de mitrailles et artifices par des jeunes dans la rue Principale, il est mort rapidement.
1945 à 1947
Ces années furent très dures pour toutes les familles. "Nous n'avions pas grand chose à manger, en 1947 surtout. Une grande sécheresse frappa la France. Les pluies, fin août début septembre, permirent aux pommes de terre de se développer quelque peu. Avec un peu de pain ce fut notre seul repas du soir !" dit Henri.